Le Caravage : le maître du clair-obscur à Rome

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1 Le Caravage : ses influences et son style

2 Formation à Milan et ascension à Rome du Caravage

3 Un artiste agité avec de nombreux ennemis

4 Mort mystérieuse et postérité

5 À la découverte du Caravage à Rome

5.1 Le Caravage dans des églises de Rome

5.2 Le Caravage dans des musées et des palais de Rome

6 Parcours Le Caravage à Rome

Le Caravage : ses influences et son style

Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (Caravaggio en italien), né le 28 septembre 1571 à Milan et mort le 18 juillet 1610 à Porto Ercole, fut un peintre italien actif à Rome, Naples, Malte et en Sicile. Son œuvre révolutionna la peinture de son époque en associant une observation réaliste des figures humaines, à la fois dans leur dimension physique et émotionnelle, à une utilisation dramatique de la lumière et des ombres (le clair-obscur).

Son influence fut déterminante dans l’émergence du baroque, en rupture avec le maniérisme dont il est issu. Il fut à l’origine du caravagisme, inspirant des artistes majeurs comme Pierre Paul Rubens, Jusepe de Ribera, Gian Lorenzo Bernini et Rembrandt. Une génération de peintres, désignés sous le nom de caravagistes, adopta son usage du clair-obscur et sa mise en scène théâtrale, contribuant à la diffusion du baroque en Europe. Parmi eux figurent Artemisia Gentileschi, Gerrit van Honthorst et Georges de La Tour.

Le Caravage transforma l’éclairage en un élément central de son art, intensifiant les contrastes et immergeant ses personnages dans des faisceaux lumineux saisissants. Ses œuvres traduisent avec intensité des moments de tension et des scènes cruciales, souvent marquées par le drame, le conflit ou la mort. Contrairement aux idéaux esthétisants de la Renaissance, portés par des artistes comme Titien ou Michel-Ange, il privilégiait une représentation brute et réaliste du monde, rompant avec les conventions maniéristes.

Il peignait rapidement, directement sur la toile, et faisait poser des modèles vivants, conférant à ses œuvres une présence saisissante.

Portrait de Caravage Par Ottavio Leoni, 1621

Formation à Milan et ascension à Rome du Caravage

Avant de s’installer à Rome dans sa vingtaine, Le Caravage s’était formé à Milan sous l’influence de l’école lombarde et auprès de Simone Peterzano, disciple du Titien. Cette formation, marquée par un naturalisme rigoureux et un travail sur la lumière, façonna son approche réaliste et son usage novateur du luminisme.

Son talent lui valut rapidement le succès et l’obtention de commandes prestigieuses. Il fut soutenu par des figures influentes comme le cardinal Francesco Maria del Monte, qui lui offrit un logement à Rome et lui commanda des œuvres majeures.

Un artiste agité avec de nombreux ennemis

Le Caravage entretenait des relations souvent houleuses avec ses commanditaires et confrères. Son tempérament impétueux et colérique le conduisit à de nombreux conflits, notamment avec le peintre Giovanni Baglione, qu’il tourna publiquement en ridicule à travers des poèmes satiriques. Ce dernier lui intenta un procès en diffamation en 1603.

Son caractère explosif et son comportement violent lui valurent plusieurs séjours en prison, bien que ses protecteurs l’aient souvent aidé à échapper à des sanctions plus sévères.

En 1606, à la suite d’un duel ou d’une altercation qui causa la mort de son adversaire, Le Caravage fut condamné pour meurtre. Contraint de fuir Rome, il trouva refuge à Naples, puis à Malte et en Sicile. Durant cet exil, il poursuivit son œuvre tout en cherchant à obtenir la grâce pontificale, multipliant les peintures en guise de repentir.

Revenu à Naples en 1609, il fut de nouveau impliqué dans un affrontement violent et gravement blessé. Son visage aurait été défiguré, selon certains témoignages.

Mort mystérieuse et postérité

Le Caravage mourut en 1610 dans des circonstances encore incertaines. Officiellement, il succomba à une fièvre alors qu’il se rendait de Naples à Rome, après une escale inexpliquée à Porto Ercole. Des théories évoquent un assassinat ou un empoisonnement au plomb. En 2010, l’analyse de ses ossements retrouvés à Porto Ercole a confirmé le lieu de sa mort, sans toutefois en préciser les causes exactes.

Longtemps oublié après sa disparition, son œuvre ne fut pleinement redécouverte qu’au XXe siècle. Depuis, son influence sur l’art occidental et son rôle dans l’évolution de la peinture moderne ont été largement réévalués.

À la découverte du Caravage à Rome

Aujourd’hui, plusieurs chefs-d’œuvre du Caravage sont visibles dans les églises et musées de Rome. Un parcours à travers le centre historique permet d’admirer ses tableaux emblématiques, témoins de son génie et de sa vision révolutionnaire de la peinture.

Le Caravage dans des églises de Rome

Saint Matthieu et l’ange
Le triptyque de Saint Matthieu à Saint Louis des Français (San Luigi dei Francesi) : la vocation de saint Matthieu, le martyre de saint Matthieu et Saint Matthieu et l’ange. L’une des plus importantes charges de la carrière du Caravage fut la décoration de la Chapelle Contarelli en 1599, dans l’église baroque de Saint Louis des Français, près de la Place Navone.
Le Caravage y a développé une série de trois peintures consacrées à la figure de saint Matthieu.
Ces œuvres eurent dès leur installation un grand prestige.
Saint Matthieu et l’ange (1602) a été refait par l’artiste, après le rejet d’une première version par ses clients. Elle montrait le saint comme un homme chauve aux jambes sales qui semblait souffrir pour écrire, aidé par un ange qui lui tenait la main. Ce tableau été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, mais il en reste des reproductions photographiques.
La crucifixion de Saint Pierre
Les deux Caravage à Sainte Marie du Peuple
Dans la basilique Sainte Marie du Peuple, on peut admirer deux chefs-d’œuvre de l’artiste qui datent de 1601: la conversion de saint Paul sur la route de Damas (dans la Chapelle Cerasi) et la Crucifixion de Saint-Pierre.
Les versions originales de ces peintures furent rejetées. Dans la première version de la Conversion de saint Paul, le saint semblait une figure secondaire devant la dominance du cheval dans la composition. Cette œuvre se trouve au sein d’une collection privée de la famille Odescalchi Balbi, de temps en temps exposée. La première version de la Crucifixion de Pierre a disparu.
Madone des Pèlerins
Madone des pèlerins dans l’église Sant’Agostino
La Madonna di Loreto (Madone des pèlerins) est exposée dans l’église Saint-Augustin, peinture exécutée en 1604 et 1606 pour le compte de Ermete Cavalletti, afin d’orner la chapelle familiale.

Le Caravage dans des musées et des palais de Rome

Trois œuvres à la Galerie Doria Pamphilj
La Galerie Doria Pamphilj abrite trois œuvres de l’artiste.
Madeleine repentante
La Madeleine repentante (1594-1595, La Maddalena Penitente), Repos pendant la fuite en Egypte (1594-1595, Riposo durante la Fuga in Egitto) et Saint Jean-Baptiste (1602, San Giovanni Battista).
La Madeleine faisait partie d’un ensemble destiné à décorer les salons du premier client du Caravage, le cardinal Francesco del Monte. Le modèle était une prostituée qui apparaît aussi dans la Mort de la Vierge (maintenant au Louvre). Des années plus tard, elle a été retrouvée morte dans le Tibre.
Six œuvres à la Galerie Borghese
David et Goliath
La Galerie Borghese conserve un important ensemble des œuvres du Caravage : Le garçon à la corbeille de fruits (1593-1594), le Jeune Bacchus Malade (1593, autoportrait possible), Madone des Palefreniers (1606), Saint Jérôme (1605-1606), Saint Jean-Baptiste (1609-1610) et David et Goliath (1606-1607, Davide con la testa di Golia). Dans ce dernier le Caravage s’est représenté face au géant décapité.
La Mise au tombeau aux Musées du Vatican
Mise au Tombeau
La Mise au Tombeau (1602-1604, Deposizione di Cristo) est la seule œuvre du Caravage aux Musées du Vatican, mais celle-ci est d’une grande beauté. Elle a reçu un consentement unanime (ce qui était rare pour le Caravage), et beaucoup d’admiration des critiques contemporaines.
Trois tableaux au Palais Barberine (Palazzo Barberini)
Narcise (1597-1599), Judith et Holopherne (1602, Giuditta e Oloferne), Saint-François en méditation (1605). L’attribution du Narcisse est parfois débattue.
Le Judith et Holopherne fut célèbre à l’époque, en ayant surpris et choqué les visiteurs à son emplacement d’origine, en raison de son réalisme et sa crudité. Des peintres reprirent l’œuvre par la suite, comme Artemisia Gentileschi (Judith Tueur d’Holopherne, 1620) et Francisco de Goya (Judith et Holopherne, 1820).
Le Narcisse, est daté d’environ 1597-1599. Il existe un débat autour de l’auteur de ce tableau.
Saint-François en méditation date de 1605.
Saint Jean-Baptiste au bélier
Deux tableaux des Musées du Capitole
Dans les Musées du Capitole, on peut admirer l’une des huit représentations de saint Jean-Baptiste que l’artiste a créé au cours de sa vie, le Jeune Saint Jean-Baptiste au bélier (San Giovanni Battista ou Giovane con un montone), de 1602, dont le sujet est le même que celui de la Galerie Doria Pamphili.
Le tableau de la Diseuse de Bonne Aventure (Buona ventura), d’environ 1594-1595, est célèbre et souvent copié par d’autres artistes. Il en existe une version postérieure exposée au Musée du Louvre.
Saint Jean-Baptiste au Palais Corsini
Cette version de Saint Jean-Baptiste (la cinquième réalisée par le peintre) date d’environ 1604. L’iconographie est inhabituelle.
Jupiter, Neptune et Pluton
Peinture murale dans la Villa Ludovisi
Jupiter, Neptune et Pluton (Giove, Nettuno e Plutone), d’environ 1597, de 300 par 180 cm, peinture murale ornant un plafond du Casino de la Villa Boncompagni Ludovisi
Le Couronnement d’épines au Musée du Palazzo Venezia
Le Couronnement d’épines (vers 1602-1604), une œuvre sombre et réaliste représentant la Passion du Christ, conservée dans ce musée souvent négligé dans les parcours de Caravage à Rome.